The Substance : la critique de la pression des standards de beauté sur les femmes
- Sacha Mourat
- 25 janv.
- 3 min de lecture

Le film lauréat du Festival de Cannes « The Substance », écrit et réalisé par la cinéaste française Coralie Fargeat, avec les célèbres actrices Demi Moore et Margaret Qualley, raconte l’histoire horrifique d’Elisabeth Sparkle, une vedette d’une émission d’aérobic qui est licenciée le jour de ses 50 ans, jugée « trop âgée » pour poursuivre sa carrière. Suite à cette désillusion, Elisabeth reçoit une proposition inattendue : une mystérieuse substance qui lui permettrait de devenir « la meilleure version » d’elle-même, c’est-à-dire « plus jeune, plus belle, plus parfaite ».
Désespérée, Elisabeth s’injecte la substance et donne naissance à une version améliorée d’elle-même : Sue. Toutefois, des règles strictes encadrent cette transformation. La principale stipule qu’Elisabeth et Sue doivent partager leur temps de vie, en alternant chaque semaine. Lorsque l’une vit, l’autre dort. Elles doivent également se rappeler qu’elles ne forment « qu’une seule personne » malgré leurs corps distincts. Mais à mesure que l’histoire progresse, Elisabeth se rend compte qu’elle ne revit pas sa jeunesse comme elle l’espérait à travers Sue, et le récit prend alors une tournure tragique.
La caricature du "male gaze"
Le film, avec son esthétique horrifique et gore, dénonce l’obsession pour la beauté féminine et la jeunesse, tout en critiquant l’âgisme. Il cible le mythe selon lequel la valeur d’une femme repose sur son apparence et le regard masculin. Si certains critiques ont reproché au film une exagération ou une hypersexualisation dans certaines scènes dont une nudité jugée excessive et les gros plans sur les parties intimes des femmes , ils passent à côté de l’intention réelle : ces scènes grotesques mettent en lumière une hypersexualisation omniprésente des femmes, particulièrement dans l’ère contemporaine du culte de la beauté.
À travers des jeux de miroirs, des photographies et les interactions d’Elisabeth avec des hommes, Coralie Fargeat illustre le « male gaze ». L’utilisation d’effets gore notamment des projections de sang, des injections et des transformations corporelles grotesques amplifie la tension psychologique. Ces éléments nous forcent à ressentir un malaise similaire à celui d’Elisabeth, qui lutte contre sa propre haine d’elle-même tout au long du film.
Une métaphore de la relation toxique entre une mère et sa fille
Elisabeth, en tant que matrice, incarne implicitement une figure maternelle, tandis que Sue symbolise une fille s’épanouissant en puisant dans la vitalité de sa mère. Elisabeth projette sur Sue ses rêves d’enfance, espérant revivre à travers elle et même aller au-delà. Cette dynamique rappelle celle de certains parents qui voient leurs enfants comme une extension d’eux-mêmes et cherchent à leur faire accomplir ce qu’eux-mêmes n’ont pas pu réaliser.
Cependant, cette relation devient toxique, nourrissant jalousie, envie et ressentiment. Sue, en accaparant l’essence même d’Elisabeth, suscite chez cette dernière une frustration croissante, symbolisant la complexité des échanges de pouvoir et de beauté entre une mère et sa fille.
Une allégorie des troubles alimentaires
Le film évoque clairement les troubles alimentaires à travers le personnage d’Elisabeth, qui cherche à échapper à sa dépression par une consommation frénétique de nourriture. Les plans rapprochés insistent sur cet aspect, provoquant un dégoût chez le spectateur et illustrant la violence de cette perte de contrôle. Contrairement à de nombreuses œuvres contemporaines qui ont tendance à romantiser ces troubles, The Substance adopte une approche sans
concession.
Le film met en lumière la manière dont la société consomme le corps des femmes et les conditionne à adopter des comportements extrêmes , régimes drastiques, chirurgies, injections pour paraître plus jeunes, plus belles, plus désirables. Cette obsession est exacerbée à l’ère des réseaux sociaux et du « beauty privilege ». Cependant, derrière cette quête de
perfection, il reste un corps imparfait qui, naturellement, vieillit.
À travers la transformation monstrueuse d’Elisabeth, le film illustre les changements du corps féminin, souvent perçus par la société comme une dégradation. La ménopause, par exemple, n’est pas considérée comme une phase naturelle de la vie, mais comme un phénomène à craindre et à repousser. Finalement, à travers la fin tragique d’Elisabeth qui incarne les pressions sociales sous une forme monstrueuse, The Substance montre que la quête de perfection imposée aux femmes est non seulement vaine, mais destructrice, un rappel brutal des illusions entretenues par notre société obsédée par l’apparence.
Caroline Trau
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